Enfances

Parfois, l’enfance, qui est forcément “retour”, “je me souviens”, redevient vive à travers le chant des syllabes. Mais elle a selon l’instant de l’écriture des nuances diverses. Le présent déteint à chaque fois sur chaque poème et prend sa coloration propre. Il suffit qu’il pleuve, que le ciel soit d’azur, pour que les vers s’orientent différemment du projet initial, lorsque le poète a commencé son œuvre du jour. On voit ainsi que l’enfance s’écrit au pluriel, sans compter l’imagination qui vient alimenter de biais les souvenirs qu’on croit réels. Une manière de loi semble alors s’imposer : plus l’enfance est inventée, plus elle se rapproche de l’intérieur du vécu. La force de ces enfances est à saisir comme elle vient, comme elle est venue : chantante et parée de mille nuances. C’est ainsi qu’elle se fait nôtre, bien sûr.

Raymond Prunier, agrégé d’allemand, a été le lauréat du prix de littérature de Picardie 1995. Il a traduit des classiques de la littérature allemande (Goethe, Kleist, Trakl), un ouvrage sur la résistance allemande et des œuvres contemporaines. Après l’an 2000, il a écrit des pièces à caractère social (violences conjugales, chômage des jeunes). Depuis quelques années, il s’en tient à l’écriture de nombre de poèmes qui se veulent à la fois contemporains et mélodieux (jepeinslepassage. com). Cf. aux éditions Lumpen le recueil bilingue “Le Chemin” sur la guerre 14-18, évocation sensible du Chemin des Dames.